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Terpire

Enfin la suite...et fin

L’autre avait décroché, respirait calmement. Les transmissions étaient lentes, loin des communications rafale de la planète bleue. L’autre patientait, sa patience augmentait la terreur d’Albedo. Ce dernier vit la fleur mortelle modifier d’un micron supplémentaire sa trajectoire, et transmit ses constatations au chef de station, 500 kilomètres plus bas.

-La Terre nous a prévenus.

La réponse de l’astronaute, un Russe de père turkmène, n’indiquait aucun sentiment. L’alarme donnée par Albedo était trop tardive. Cela frôlait la désinvolture, ou alors… son retard était volontaire. Mais le Russe était méticuleux et impavide. Le vent solaire remplaçait chez lui le vent des steppes.

Ses collègues avaient tous entendu le message. Avant d’imaginer quel esprit malveillant avait pu mettre en œuvre un tel acte, il fallait fuir. Fuir, dans ce vide sidéral, demandait quelques qualités que les hommes développaient quotidiennement. Depuis l’attaque d’une épave lancée sur eux à la vitesse de 28.000 kilomètres à l’heure, évitée de justesse, l’exercice d’évitement était devenu un modèle du genre. Ils enfilèrent leurs scaphandres.

Chacun prit la place qui lui était assignée en cas d’urgence. L’Indien tenta de vérifier tous les calculs produits par les machines. Il n’y avait plus de doute possible, le croiseur solaire les avait pris pour cible. Pour les douze humains confinés dans la station, ceci ne relevait en aucun cas d’une défaillance technique. C’était sans hésitation, un acte terroriste. Pourquoi, par qui ? Ils devaient avant tout sauver leur peau.

Le Kazakhe communiqua le délai nécessaire pour la manœuvre d’évitement. Ils avaient six heures. Albedo et son collègue restaient en liaison avec eux.

A la troisième heure, le cerf volant meurtrier sembla s’immobiliser. Ce n’était que fausse joie, un caprice pernicieux du vent solaire.

A la cinquième heure, ils durent s’avouer vaincus. Le voilier allait les atteindre, quelques minutes avant leur modification de trajectoire. Ils devaient évacuer la station. L’abandonner. Ou alors… L’ordre vint de la terre. Enclencher le mécanisme de destruction du voilier. Détruire vingt années de recherches, cinq années de préparation, réduire les chances de financement de futurs paquebots. Détruire le vaisseau malchanceux et en même temps les rêves de milliards de terriens élevés au biberon du progrès. Ses ramures allaient se collaber, se pulvériser dans un laps de temps infime. Il fallait juste veiller à ce que les fragments ne percutent pas l’habitat des astronautes.

L’ordre parvint à Albedo. Retourner au voilier, blesser un des pétales, atteindre la fleur mortelle avant qu’elle ait fui dans un étage inférieur, puis rentrer sur terre.

Trouver un endroit à esquinter, c’était vraiment pas dur. Il allait brûler la réparation récente, et laisser s’écarter les berges de la blessure.

Albedo se mit en route. Sa pensée qu’il avait crue absurde était bien adaptée. Sa vision du navire en flammes était appropriée. Elle sauvait les douze cosmonautes confinés dans leur habitacle, alors pourquoi avait-il atermoyé?

Les conséquences de son indécision lui labouraient la tête. Quelle défaillance soudaine de son cerveau programmé avait mis en danger les scientifiques en orbite ?

C’est alors qu’il songea aux infimes ratés de ces dernières semaines. C’était bien sûr l’oubli, dix mois plus tôt, de vérifier l’ensemble du vaisseau. C’était, deux mois auparavant, l’incursion d’une phrase musicale en boucle dans son processeur de veille. C’était, tout récemment, l’omission incompréhensible de l’autogel.

Ces confusions minuscules ne venaient pas de lui. Les accrocs lui étaient imposés de l’extérieur. Une impulsion étrangère le manipulait.

Il atteignit sa guérite. Choisit le plus petit tournevis. Se tourna vers la fleur déployée devenue vénéneuse malgré ses soins. S’il rentrait sur terre, le délai pris pour transmettre l’alarme serait considéré comme preuve de complicité avec le terroriste. Il moisirait dans une geôle, si l’humain augmenté qu’il était devenu restait un humain. S’il était considéré comme un cyborg, on le détruirait.

Il s’approcha des voiles. La fleur géante le fuyait, telle une ondine pour le rendre captif d’espaces illimités. Il l’avait aimée, cette gracieuse indifférente. il comprit que le responsable de la déviation, c’était lui. Lui, altéré par quelqu’un, sur Terre, lui, engourdi dans sa dépression masquée. Il perça la voile, si rapidement qu’elle l’enveloppa sans peine en vrillant sur elle-même. Il se déchiqueta dans l’espace.

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